« À ma droite, un mur, peut-être marron, impossible de dire à quelle distance il se trouvait, s’il s’élevait sur plusieurs mètres jusqu’au ciel ou s’il perçait le trottoir pour s’enfoncer sous terre ; à gauche, d’autres immeubles, peut-être l’enseigne lumineuse d’un magasin, les décorations de Noël qui n’avaient pas été retirées. Tout était granuleux, dilué, un livre oublié sous la tempête, des images projetées sur la roche d’une caverne. »

Dans ce premier roman traduit de l’italien, l’autrice de trente-et-un ans s’inspire librement de son histoire familiale pour mettre en scène la vie de Livia, adolescente romaine, atteinte d’une rétinite pigmentaire qui l’emmène vers la cécité. Le diagnostic se heurte à sa passion du mouvement et à sa joie de vivre : la myopie de l’enfance est remplacée par une vision fragmentée, ponctuée de trous noirs et péjorée lorsque la nuit tombe. La progression n’a pas de frein ; le fin mot de l’histoire appartient à la génétique.

Ainsi, entre dépit et résilience, Livia doit s’accommoder à un monde qui perd peu à peu ses couleurs. Soutenue par un coach qui lui apprend à vivre avec et qui, ferme mais bienveillant, lui répète malgré tout que « la couleur noire n’existe pas ».

Le récit aborde le thème du handicap et de la différence dans le monde impitoyable du lycée par le biais d’une prose sobre mais habile, qui suggère plutôt que d’affirmer. L’autrice nous fait redécouvrir nos sens au microscope ; la vue de Livia s’obscurcit, les sensations restent. La richesse stylistique transforme ainsi la simple chronique d’une maladie en roman d’initiation : la magie de la littérature opère.

La tournure irréfutable des événements n’ôte rien au suspense qui porte le lecteur dès le premier chapitre, immédiatement touché par l’histoire peu banale de cette gamine qui rêve juste de vivre sans lunettes. Tels les témoins d’une chute qui espèrent toutefois éviter la casse, on peine à sortir de l’histoire avant le point final.

2023, Italie. 2024 (Traduction). Editions Phébus/Libella.