« Les moments solennels ne sont jamais comme on les imagine. Une fille tout juste adulte jouait une part de sa vie en revenant sur les accusations qui valaient à un homme d’être emprisonné et Alice ne savait plus quoi lui dire. Elle n’avait qu’une envie : la voir prendre son sac à dos et partir. Tout s’emmêlait. Le sentiment d’urgence qu’elle éprouvait à l’idée qu’un homme avait été condamné à tort. L’exaltation de contribuer à réparer une erreur judiciaire. La crainte sourde de l’épreuve qui attendait Lisa. Saurait-elle la protéger de la tempête que sa lettre allait déclenché? Tout était si ténu. »

Lisa a vingt ans et cinq années d’historique judiciaire, depuis une plainte déposée pour viol. Le prévenu : un travailleur trentenaire, employé au domicile familial, casier judiciaire à l’appui de sa moralité douteuse. Et pourtant, il nie les faits. Dur comme fer.

Le procès est sur le point d’aboutir lorsque l’adolescente demande à changer d’avocat. « Je veux être défendue par une femme ». Alice accepte le cas. En partie au nom de son éthique de travail : toujours militer en faveur des plaignants.

En venant la voir, la Lisa désormais adulte aurait-elle enfin encaissé l’adolescente qu’elle était ? Elle dévoile à sa nouvelle avocate cette ancienne version d’elle-même – une collégienne précédée par sa réputation, et prête à tout pour sauver son image publique. D’une manière initialement inspirante et originale, dont les conséquences la rattrapent rapidement. Car Lisa l’admet, noir sur blanc : j’ai menti. Son agresseur croupit depuis cinq ans en préventive. L’avocate, trop habituée à jouer les héroïnes, endosse, pour une fois, le rôle de la défense. Inopinément. Elle s’appliquera à tenter d’acquitter cette petite menteuse.

Pascale Robert-Diard, journaliste et chroniqueuse, fait le pari de chambarder les standards du récit judiciaire dans une tentative osée de surpasser la dichotomie coupable/victime sur l’un des thèmes les plus sensibles du moment. Le livre interroge sans dénoncer, relève sans condamner. Le titre met au rebut l’effet de surprise, certes ; détail vite occulté par la construction brillante de l’intrigue. La plongée vertigineuse dans le psyché de la plaignante existe par le prisme de la femme payée pour la défendre. Un pari mettant en exergue les mécanismes pervers de la sexualité adolescente, à l’époque de metoo.

Ce roman est un récit court et incisif qui dépeint l’être humain tout en nuance ; une bouffée d’air face aux partis pris ; en dernier lieu, une réflexion sur les métiers du pénal, s’exerçant dans les abysses de l’âme humaine.

 

Editions L’Iconoclaste, 2022.