« Des hommes et des femmes revêtus de gilets de lucioles, des laissés-pour-compte, des petits, des sans-dents, des fainéants, ceux qui ne possèdent rien, agglutinés à un rond-point autour d’un brasero. On n’avait pas soupçonné leur colère, leurs chagrins, on n’avait rien vu venir, alors la détresse avait revêtu des gilets jaunes fluo. »
Dans ce roman contemporain, Grégoire Delacourt raconte l’histoire de Geoffrey, adolescent autiste, dont le père prend part à la révolte sociale des gilets jaunes. Sous fond de revendications financières, la source de la colère de Pierre alors qu’il bloque les routes de France réside surtout dans sa vie de famille au bord de l’abîme, depuis la découverte du handicap de Geoffroy. Son fils parle, étudie, tombe amoureux. D’une jeune fille d’origine arabe aux yeux verts véronaises. Il n’arrive toutefois pas à délaisser ses rituels, ni à regarder les gens dans les yeux. Encore moins ce père fâché, qui rêve de le transformer en « vrai petit garçon », et tente de l’embarquer dans sa révolte. Alors que les lois du monde de Geoffroy ne lui permettent pas de commettre le moindre écart de comportement.
Au milieu de cette vie de famille qui se brise, la mère, Louise, infirmière en soins palliatifs, aide ce fils pas comme les autres à préserver son seul lien social, l’amitié de Djemila. Djemila a perdu sa mère à la naissance et vit sous la tutelle de ses grands frères qui lui apprennent à se comporter au nom de l’islam. Les deux jeunes essaient alors de vivre leur amour dans l’ombre, préservé par un viel arménien qui aime les arbres et leur offre un refuge dans la nature.
Je ne connaissais pas Grégoire Delacourt et je ne me rue jamais vers les best sellers, mais en dépit de quelques passages émouvants et d’une prose bien outillée, le roman, présenté en critique sociale, emprunte beaucoup à une littérature à l’eau de rose qui ne se s’éloigne pas des poncifs.
Le texte fait la part belle aux clichés, tant au niveau du style que des personnages, qui forment une suite de caricatures : le père en colère qui se repentit et essaie de transformer, suite à une prise de conscience quasi instantanée, sa révolte en bonne action ; la mère dévouée, en proie à un amour impossible ; la jeune fille innocente opprimée par sa beauté ; la maîtresse amère ; le jeune des cités agressif et violent. Pour avoir accompagné des personnes atteintes de troubles autistiques, je sais par ailleurs que l’ouverture à l’autre est bien plus complexe que la relation de Geoffroy qui, épris de la belle Djemila, la laisse s’approcher de lui avec une facilité déconcertante.
Dommage car les thématiques abordées telles que l’inclusion des personnes en situation de handicap, la souffrance de la classe ouvrière blanche et la radicalisation mériteraient d’être visitées avec davantage de profondeur.
Editions Grasset, 2020. 288 pages.